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Pourquoi la France a-t-elle perdu contre l’Allemagne en 1940 ?

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Après plusieurs mois de « drôle de guerre », l’armée allemande attaque enfin la France et les Pays-Bas le 10 mai 1940. En moins de quinze jours, la Wehrmacht a balayé le pays par le nord.

L’armée française était l’une des plus puissantes du monde, mais il semble qu’elle n’ait pas pu tenir – ce qui a conduit à la grande débâcle française du XXe siècle, lorsque le 22 juin 1940, le gouvernement du maréchal Philippe Pétain a signé l’armistice avec l’Allemagne nazie et a commencé l’histoire ignominieuse de la collaboration française.

Comment cela s’est-il produit ? Et pourquoi si vite ? FRANCE 24 s’est entretenu avec l’historien Michaël Bourlet, ancien professeur d’histoire à l’école militaire de Saint-Cyr Coëtquidan, qui a déconstruit certains mythes sur l’échec cuisant de la bataille de France.

Il existe une perception commune selon laquelle l’armée française était mal préparée à l’attaque allemande – reflète-t-elle la réalité ?

L’armée française de 1939-40 est fortement associée à la peu glorieuse « drôle de guerre », puis à la défaite militaire de mai-juin 1940 suivie de l’effondrement de sa politique dans la collaboration en juin 1940. Cela reste une énorme défaite dans la mémoire collective française.

L’idée que l’armée était mal préparée, mal motivée et mal équipée face à l’invincible Wehrmacht est un mythe construit par le régime de Vichy de Pétain. Malheureusement, il est encore utilisé aujourd’hui, car il constitue une bonne excuse : il est tellement plus facile d’admettre la défaite si vous dites que vous aviez une armée faible face à une armée beaucoup plus forte.

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L’armée française disposait du matériel et des effectifs – cinq millions d’hommes, soit plus qu’en 1914 – pour vraiment affronter les Allemands. Les dépenses de défense avaient augmenté depuis le milieu des années 1930, permettant de renforcer l’armée de l’air, de construire une puissante flotte navale, d’assurer une armée bien équipée et de construire la ligne Maginot, une frontière fortifiée aux frontières orientales de la France.

Donc le haut commandement était loin d’être inactif avant la guerre. Il disposait de ces ressources et a créé une stratégie pour les utiliser – petites offensives avec des objectifs définis, fronts continus et utilisation de la puissance de feu pour couper les mouvements de l’ennemi.

En France comme à l’international, l’armée française de 1940 est perçue comme manquant de courage. Pensez-vous que cette image soit exacte ?

Il est vrai que certains commandants n’ont pas su réagir face à l’assaut allemand, et que certaines unités – après l’inactivité de la « drôle de guerre » – ont paniqué ou se sont dissoutes. Mais pour la plupart, les soldats français se sont battus avec courage et ténacité.

Les statistiques montrent à quel point les combats ont été brutaux. Environ 60 000 soldats français ont été tués entre mai et juin. L’armée allemande a perdu 30 % de ses chars et de ses avions pendant la bataille de France. Son bilan est estimé à 27 000 tués et disparus en juin et 21 000 en mai.

L’armée française a-t-elle tout de même remporté quelques succès ?

Eh bien, comme toujours, il s’agissait d’une campagne militaire aux multiples facettes, et leur degré de réussite dépendait du terrain, de la qualité du leadership, de la qualité de l’armement dont ils disposaient, etc. Il y a eu quelques épisodes réussis, comme la défaite de l’armée italienne sur le front alpin en juin 1940. Et bien que l’on ne puisse pas vraiment les qualifier de succès, dans certaines batailles, les Français ont donné du fil à retordre aux Allemands.

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Par exemple, à Stonne dans les Ardennes, du 15 au 27 mai, ils ont essayé de faire pression sur le flanc de l’offensive allemande après la fameuse percée de la Wehrmacht à Sedan. Le village est pris et repris au moins 17 fois, mais les Français ne parviennent pas à percer. Ils ont néanmoins infligé des dégâts importants aux Allemands.

Je pense aussi à certains combats de la bataille de l’Escaut en Belgique. Les fantassins français ont empêché les Allemands de traverser le canal de l’Escaut entre le 21 et le 26 mai, retardant ainsi l’avancée de la Wehrmacht vers le nord. Les six divisions d’infanterie de la 1ère armée française fournissent un autre bon exemple. Elles ont été encerclées par les Allemands dans la région de Lille mais ont continué à se battre jusqu’au 1er juin, facilitant ainsi la célèbre évacuation de Dunkerque par le corps expéditionnaire britannique.

Alors, pourquoi les Français ont-ils perdu si rapidement ?

Les Allemands ont pris des risques pendant la bataille de France. Ils ont concentré leurs chars dans les Ardennes, sur un terrain difficile, entre la ligne Maginot et le corps principal de l’armée française au nord. Puis ils ont déferlé dans les Ardennes alors que l’armée française était partie vers le nord, pour combattre les divisions de la Wehrmacht qui avaient traversé la Belgique. Ils ont ainsi encerclé les forces alliées, les enfermant vers la Manche, avant de se diriger vers le sud, vers Paris. C’est alors que l’armée française s’est effondrée.

Depuis 1945, un million et une explications ont été avancées pour expliquer la défaite française, de la nature des ponts sur la Meuse aux institutions politiques de la Troisième République en passant par la ligne Maginot – qui a récemment été utilisée comme une analogie censée expliquer les difficultés de la France face au coronavirus.

Comme nous l’avons vu, l’armée française avait beaucoup d’hommes, et beaucoup d’équipements et d’armes de bonne qualité. Son moral était bon – bien qu’il ait été un peu dégonflé par la « drôle de guerre ».

Les raisons de sa défaite étaient intellectuelles et doctrinales. C’est le vieux cliché de combattre la guerre précédente. Les commandants étaient trop concentrés sur les leçons de la Première Guerre mondiale ; ils ne pouvaient pas penser à la guerre réelle qu’ils devaient mener dans le présent. Ils étaient incapables de s’adapter. Les Allemands – en revanche – ont pris des risques.

Cet article a été traduit de l’original en français.

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