Que faire
Assis en tailleur sur le sol et regardant vers le bas, me concentrant à moitié sur la ligne noire qui traverse le sol, j’attrape du coin de l’œil le mouvement du prêtre bouddhiste. Ses pieds nus font un bruit sourd sur le tatami et son bâton de bois keisaku repose dans ses mains. Lorsqu’il passe devant moi, je joins mes mains et les mets contre ma poitrine. Il s’arrête devant moi, et nous nous inclinons l’un l’autre. Je croise alors les bras, les mains sur mes épaules, et me penche en avant, exposant mon dos. Il place légèrement le keisaku sur le côté gauche de mon dos, en tâtant les muscles entre la colonne vertébrale et l’omoplate. Je sens le bâton se soulever et puis…
Whack
Whack
Une petite pause pour trouver le bon endroit de l’autre côté de mon dos
Whack
Je relève la tête, la piqûre du bâton s’étant déjà dispersée, et je m’incline à nouveau devant le prêtre. Il continue vers sa prochaine victime reconnaissante.
Pour expliquer cette scène apparemment étrange, je vais devoir décrire le zazen. Le zazen est une méditation pratiquée par les trois sectes bouddhistes zen au Japon et dans le monde entier. Les prêtres comme les gens du peuple pratiquent le zazen comme une méthode de relaxation et de remise à zéro de l’esprit. Les pratiquants le font souvent quotidiennement, un peu comme se brosser les dents ou se peigner les cheveux. Tout comme ces routines d’hygiène sont importantes pour la santé physique d’une personne, la méditation zazen est importante pour la santé mentale d’un pratiquant. Elle peut se faire assis ou debout, seul ou en groupe, et à la maison ou dans un temple.
J’ai fait l’expérience d’une séance de zazen en groupe, avec un prêtre qui nous guidait tout au long du processus. Les prêtres bouddhistes comme lui sont des experts en zazen ; dans le cadre de sa formation de prêtre bouddhiste, il a fait zazen pendant des heures. Nous étions assis sur des coussins pendant qu’il nous expliquait la manière de faire zazen et son but. Voici certaines des choses qu’on nous a dites et ce qu’a ressenti mon expérience en les essayant.
Posture
Traditionnellement, le zazen se fait jambes croisées dans une posture Kekkafuza (lotus complet) ou Hankafuza (demi lotus). Je n’ai pu forcer mes jambes qu’en demi-lotus, mais j’ai trouvé que c’était trop douloureux à maintenir, alors j’ai continué et je me suis assis en croisant les jambes. Les mains doivent être dans la position illustrée. Vous devez être assis droit. La position, surtout si vous êtes aussi inflexible que moi, est plutôt douloureuse si vous ne faites pas de petites pauses.
Focus
Lorsque vous méditez, vos yeux doivent regarder vers le sol. Parce que mes yeux étaient inclinés vers le bas, j’ai rapidement commencé à me sentir comme si j’étais entre le sommeil et la conscience. C’est le sentiment que vous essayez de ressentir, car il est préférable de pouvoir accepter votre environnement tout en étant également dans un état d’esprit différent.
Compter
Je n’avais jamais médité auparavant et j’ai donc rapidement pris conscience de manière aiguë d’un fait simple : mon esprit s’emballe constamment. Je ne pense pas être le seul à trop penser ; tout le monde dans ce monde occupé a des soucis du passé et de l’avenir. Alors, comment faire le vide dans sa tête pour arriver à la bonne méditation relaxante. Pour résoudre ce problème, le prêtre nous a dit de nous concentrer sur notre respiration et de compter lentement jusqu’à dix, encore et encore. Ce comptage est destiné à vous vider la tête et à vous forcer à vous concentrer sur le présent.
Keisaku
L’arme (bâton) avec laquelle j’ai décrit avoir été frappé s’appelle un keisaku. Son but est de réveiller les prêtres méditants pendant les longues sessions et d’aider à rétablir la concentration. Le prêtre nous a montré comment cela fonctionne pour que nous en fassions l’expérience. Vous vous inclinez devant le prêtre pendant qu’il vous « donne » les coups. Le bâton, malgré son coup assez fort, ne fait pas mal.
Kyoten
Entre les deux blocs de temps où nous avons médité, le groupe s’est arrêté pour chanter quelques sutras. Mon japonais est très limité et les mots du kyoten sont extrêmement difficiles à comprendre même pour les locuteurs natifs, donc bien que je puisse chanter en même temps, je n’avais aucune idée de ce que je disais. Malgré tout, certaines répétitions semblaient me bercer dans un état d’esprit méditatif. J’ai réalisé que le sens n’avait pas tant d’importance que ce sentiment fugace.
But
Le but du zazen est à la fois la relaxation et la libération de l’esprit. Cette célèbre parabole met en évidence une partie du » but » de zazen : un prêtre zen discute avec un professeur venu s’informer sur le zen. Le prêtre verse du thé au professeur mais continue à le remplir après qu’il soit plein. Le professeur lui dit d’arrêter et qu’il renverse du thé partout. Le prêtre fait alors une comparaison entre l’homme et la tasse ; tout comme le prêtre ne peut pas remplir la tasse plus qu’elle ne l’est déjà, il ne peut pas non plus plus plus plus d’idées dans un homme qui en est déjà rempli.
Ceci illustre une partie de l’intérêt du zazen. Nous sommes constamment remplis d’idées qui rendent impossible le traitement de nouvelles informations. Le travail, la famille, et les chocs aléatoires sur la route de la vie se combinent tous pour ajouter au stress d’une personne. En s’arrêtant et en se concentrant sur l’ici et maintenant grâce à zazen, une personne peut voir avec des yeux neufs.