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Les chromosomes sexuels XX femelles augmentent la survie et prolongent la durée de vie chez les souris vieillissantes

1 INTRODUCTION

Les femmes vivent plus longtemps que les hommes dans le monde entier, indépendamment de la culture ou du statut socio-économique (UnitedNations, 2015 ; Zarulli et al., 2018). La longévité des femmes est également observée dans le règne animal (Barrett & Richardson, 2011 ; Bronikowski et al., 2011 ; Clutton-Brock & Isvaran, 2007) en raison de causes qui peuvent être extrinsèques, intrinsèques, ou les deux. Les causes extrinsèques de la différence de sexe chez les invertébrés peuvent signaler des stratégies de survie antagonistes : les phéromones femelles réduisent la durée de vie des mâles chez la drosophile (Gendron et al., 2014), et les sécrétions mâles raccourcissent la durée de vie des hermaphrodites chez C. elegans (Maures et al., 2014). Des effets intrinsèques – opérant au sein de l’organisme – sous-tendent une vie plus longue chez les organismes après l’ablation des cellules ou organes reproducteurs chez les hermaphrodites de C. elegans (Berman & Kenyon, 2006), les chiens mâles et femelles (Hoffman, Creevy, & Promislow, 2013), et peut-être les hommes comme le suggère une étude sur les eunuques (Min, Lee, & Park, 2012). Néanmoins, les causes de la différence intrinsèque entre les sexes dans la durée de vie restent largement inconnues. La nature omniprésente de la longévité des femmes chez les humains, même en cas de décès précoce lors d’épidémies et de famines graves (Zarulli et al., 2018), suggère un rôle de la biologie innée dans l’écart de survie entre les sexes. Ici, nous avons cherché à identifier les causes intrinsèques de la longévité féminine dans la durée de vie des mammifères.

Les chromosomes sexuels ou les gonades provoquent des différences intrinsèques entre les sexes chez les mammifères, mais on ne sait pas s’ils contribuent directement à l’augmentation de la longévité féminine dans le vieillissement des mammifères. Pour disséquer ces étiologies, nous avons utilisé des souris à quatre génotypes de base (FCG) (Arnold, 2004). Chez la souris et l’homme, le gène Sry réside normalement sur le chromosome Y et code pour une protéine (facteur Y de détermination testiculaire) qui induit le développement des testicules et la masculinisation périnatale. Chez les souris FCG, Sry réside plutôt sur un autosome, permettant l’héritage de Sry – et donc du phénotype testiculaire mâle – avec ou sans le chromosome Y.

La manipulation génétique de SRY génère des souris XX et XY, chacune avec des ovaires (O) ou des testicules (T) : XX(O), XX(T), XY(O), XY(T) (figure 1a). Les niveaux d’hormones gonadiques des souris FCG ayant les mêmes gonades sont comparables, indépendamment de leurs chromosomes sexuels (Gatewood et al., 2006 ; McCullough et al., 2016). Chez les souris modèles FCG, une différence de sexe avec un effet principal qui diffère statistiquement par le génotype (XX vs XY) est médiée par le chromosome sexuel ; celle qui diffère par le phénotype (ovaires vs testicules) est médiée par le sexe gonadique (Figure 1b). Des exemples d’études de souris FCG pertinentes pour l’âge montrent que XX améliore la régulation de la pression artérielle (Pessoa et al., 2015) et atténue les lésions cérébrales expérimentales (Du et al., 2014 ; McCullough et al., 2016).

Pour explorer les différences de durée de vie en fonction du sexe, nous avons généré et vieilli plus de 200 souris du modèle FCG sur un fond congénère C57BL/6J et avons étudié la mortalité liée au vieillissement du milieu de la vie à la vieillesse (12-30 mois) (Figure 1c). Nous avons d’abord examiné si la mortalité chez les femelles (XX,O) et les mâles (XY,T) « typiques » récapitule le modèle de longévité des femelles. En effet, les femelles vieillissantes (XX,O) ont vécu plus longtemps que les mâles vieillissants (XY,T) (Figure 1d ; Tableau S1 des informations complémentaires).

Nous avons ensuite mesuré les effets principaux des chromosomes sexuels et des gonades sur la survie au cours du vieillissement. Les souris XX avec des ovaires ou des testicules ont vécu plus longtemps que les souris XY de l’un ou l’autre phénotype gonadique, ce qui indique un effet principal des chromosomes sexuels sur la durée de vie (figure 1e ; tableau S2 des informations complémentaires). Les souris avec des ovaires (XX & XY) avaient tendance à vivre plus longtemps que celles avec des testicules (XX & XY), ce qui suggère une influence des gonades sur la durée de vie (figure 1f ; tableau S2 des informations complémentaires). Collectivement, ces données indiquent que le génotype XX augmente la survie au cours du vieillissement – et suggèrent un effet protecteur des ovaires.

Pour mieux comprendre les avantages de la féminité sur la survie dans le vieillissement, nous avons comparé directement les quatre groupes de souris. Chez les souris avec ovaires, XX a augmenté la durée de vie par rapport à XY (figure 2a ; informations complémentaires, tableau S3). Chez les souris avec testicules, la mortalité avait tendance à être plus élevée dans l’ensemble et ne différait pas entre les génotypes XX et XY (figure 2b ; tableau des informations complémentaires S3). Les ovaires ont augmenté la durée de vie chez les souris XX, mais pas chez les souris XY (figure 2c,d ; tableau S4 des informations complémentaires). Cela suggère que les hormones gonadiques femelles, par des effets organisationnels (à long terme) ou activatifs (à court terme), augmentent la durée de vie en présence d’un second chromosome X.

Puisque le génotype XX a montré un effet principal sur la survie globale, nous avons ensuite testé s’il augmente la résilience contre la mort à tout moment au cours du vieillissement. Nous avons utilisé la méthode de recherche par quadrillage (Lerman, 1980) pour déterminer le moment où les courbes de durée de vie XX et XY changent l’une par rapport à l’autre chez les souris dont les gonades correspondent. Nous avons ensuite mesuré les différences statistiques entre les deux courbes avant et après ce point pour évaluer si XX augmente la survie à tout moment du vieillissement. Chez les souris ayant des ovaires, XX a augmenté la survie après 21 mois (figure 2e ; tableau S5 des informations complémentaires). Chez les souris avec testicules, XX a également augmenté la survie, mais l’avantage était plus précoce, avant 23 mois, et n’a pas modifié la durée de vie maximale (Figure 2f ; Tableau S6 des informations complémentaires). Ainsi, indépendamment de la durée de vie maximale, le génotype XX a augmenté la survie au cours du vieillissement chez les souris mâles et femelles, bien qu’à des moments différents.

Il est important de noter que la durée de vie et ses interventions chez les souris sont influencées par la souche, la sous-souche, l’environnement, le régime alimentaire et des facteurs encore non identifiés (Austad & Fischer, 2016). Ainsi, la présence, l’étendue et la direction du biais sexuel dans la durée de vie peuvent varier entre les colonies de souris, même parmi les sous-souches C57BL6. De futures études examinant des fonds génétiques mixtes à travers des sites géographiques seront précieuses. Néanmoins, nos données sont claires et indiquent que le sexe féminin dérivé du complément chromosomique sexuel XX, combiné à l’exposition aux gonades ovariennes, a prolongé la durée de vie ; en outre, le génotype XX lui-même a augmenté la survie chez les souris mâles et femelles vieillissantes.

La question de savoir si la présence d’un deuxième chromosome X ou l’absence d’un Y dicte les causes génétiques de cet avantage féminin intrinsèque reste à déterminer. En outre, la façon dont la signalisation hormonale induit la survie à médiation ovarienne en présence d’un deuxième chromosome X mérite d’être étudiée. Les principales voies qui sous-tendent une interaction XX-ovarienne pourraient inclure la signalisation de l’IGF1 (Brooks & Garratt, 2017), les télomères (Barrett & Richardson, 2011) ou les fonctions mitochondriales (Gaignard et al., 2015).

La pression évolutive peut reposer sur une survie accrue et une durée de vie plus longue chez les femelles pour assurer des soins supplémentaires et une meilleure forme physique pour les générations de la progéniture génétique. Alternativement, une plus grande mortalité des mâles pourrait bénéficier à la génération suivante en réduisant la compétition pour les ressources et les compagnons. L’identification et la modulation des mécanismes intrinsèques dérivés de XX de l’avantage féminin pourraient ouvrir de nouvelles voies pour modifier et augmenter le vieillissement sain chez les deux sexes.