DROITS DE LA PERSONNE | L’importance de distinguer le racisme de la discrimination raciale
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Récemment, l’antiracisme a fait l’objet d’une vaste couverture médiatique. Au lieu de se pencher sur ce que l’on peut faire pour y remédier, on s’est beaucoup demandé si le racisme – en particulier le racisme systémique – existe au Canada, et on a constaté une apparente confusion quant à la signification de termes importants. Par exemple, le 9 juin 2020, la CBC a rapporté que le sous-commissaire de la GRC en Alberta, Curtis Zablocki, a nié l’existence d’un racisme systémique dans les services de police au Canada. La commissaire de la GRC, Brenda Lucki, a déclaré que le sous-commissaire de la GRC, Curtis Zablocki, avait indiqué qu’il avait mal compris le sens de l’expression « racisme systémique ». Afin de procéder à une véritable lutte contre le racisme, il est très important que tout le monde soit très clair sur la terminologie.
Le racisme, la discrimination raciale et même le racisme systémique sont souvent utilisés de manière interchangeable, ce qui entraîne de la confusion et de la désinformation. Les lois provinciales, territoriales et fédérales interdisent la discrimination raciale. La Charte canadienne des droits et libertés (Charte) interdit la discrimination raciale par le gouvernement. Cette législation prévoit des circonstances limitées dans lesquelles la discrimination raciale peut être justifiée par le gouvernement ou le défendeur.
Le racisme est une combinaison de préjugés raciaux (ou de discrimination) et de pouvoir. La « race » est l’un des nombreux motifs couverts à la fois par la législation sur les droits de la personne et par l’article 15(1) de la Charte. Walter Tarnopolsky a défini la race aux fins de la législation sur les droits de la personne (tel que cité dans Blake v Loconte (1980), 1 CHRRD/74 à D/78 (Ont. Bd. of Inquiry)) comme suit :
… une seule personne a tenté de fournir une définition du mot « race » et il s’agit de la Commission d’enquête de 1976 en vertu de l’Alberta Individual’s Rights Protection Act dans l’affaire Ali v. Such… La Commission a cité le Webster’s New World Dictionary (2d. ed.) et du Black’s Law Dictionary (rev. 4th. ed) et a conclu par la suite que ‘la race indique de larges ou grandes divisions entre l’humanité, et chacune des définitions indique que les races ont des particularités physiques qui distinguent une race de l’autre’.
La législation ne définit souvent pas la « discrimination », mais les principaux arrêts de la Cour suprême du Canada (CSC) fournissent des indications. En vertu de la loi sur les droits de la personne, l’arrêt de principe est Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 CSC 61 (Moore). Moore prévoit:
… our démontrer une discrimination prima facie, les plaignants doivent démontrer qu’ils ont une caractéristique protégée contre la discrimination en vertu du Code ; qu’ils ont subi un impact défavorable en ce qui concerne le service ; et que la caractéristique protégée était un facteur de l’impact défavorable.
En vertu du paragraphe 15(1) de la Charte, la CSC résume le droit en matière de discrimination dans Québec (Procureur général) c. Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, 2018 CSC 17:
… Le critère de la violation prima facie de l’article 15 procède en deux étapes : La loi contestée, à sa face ou dans son impact, crée-t-elle une distinction fondée sur des motifs énumérés ou analogues ? Si oui, la loi impose-t-elle « des fardeaux ou dénie-t-elle un avantage d’une manière qui a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’exacerber … le désavantage » (citation omise).
L’intention n’est pas pertinente dans la discrimination ; nous ne considérons pas si une personne avait l’intention de discriminer. C’est l’impact de la discrimination que nous prenons en compte.
Dans le cas du Canada et des États-Unis, les personnes blanches possèdent actuellement un pouvoir socialement imprégné et cela se reflète dans nos institutions.
Les tests juridiques pour la « discrimination » et la « race » indiquent qu’une personne est confrontée à la discrimination raciale chaque fois qu’elle subit un impact négatif (par exemple, causé par l’application de la loi en vertu de la Charte ; ou dans des domaines tels que l’emploi, la location ou les services publics en vertu de la loi sur les droits de la personne) en raison de sa race. Cela s’applique aux personnes blanches, aux personnes de couleur, aux personnes noires et aux personnes indigènes. Par exemple, si un employeur potentiel n’embauche pas une personne par ailleurs qualifiée en raison de sa race, il s’agit d’une discrimination raciale. Cette discrimination est illégale, sauf si l’employeur peut raisonnablement la justifier. En bref, il est possible pour une personne blanche, une personne autochtone ou une personne de couleur de subir une discrimination raciale.
La loi traite des comportements et non des attitudes. Si la discrimination raciale est un acte, elle est souvent causée par un préjugé racial, qui est une attitude. Selon le site Web Calgary Anti-Racism Education (CARED) :
Les présomptions et les stéréotypes concernant les personnes blanches sont des exemples de préjugés raciaux, et non de racisme. Les préjugés raciaux désignent un ensemble d’attitudes discriminatoires ou dérogatoires fondées sur des hypothèses découlant de perceptions sur la race et/ou la couleur de la peau. Ainsi, les préjugés raciaux peuvent effectivement être dirigés contre les personnes blanches (par exemple, les Blancs ne savent pas danser) mais ne sont pas considérés comme du racisme en raison de la relation systémique de pouvoir.
Donc, le racisme n’est pas la même chose que la discrimination raciale. Bien que les gens fassent parfois référence à la discrimination raciale en tant que « racisme », cela crée une confusion et n’est pas correct. Le racisme est une combinaison de préjugés (ou de discrimination) raciaux et de pouvoir. Par « pouvoir », nous entendons qui est reconnu et accepté comme ayant du pouvoir dans la société dans son ensemble. Dans ce contexte, le pouvoir est imprégné par la société, mais pas nécessairement mérité. Par exemple, au Canada et aux États-Unis, il est généralement admis que les hommes blancs hétérosexuels d’âge moyen sont des leaders naturels. On peut s’en rendre compte en examinant diverses institutions – comme les gouvernements, les assemblées législatives, les grandes entreprises, la justice et d’autres institutions – pour voir qui est à la tête (ou qui a le pouvoir).
CARED explique plus en détail le « pouvoir » comme suit :
Par pouvoir, nous entendons : l’autorité accordée par les structures et conventions sociales – éventuellement soutenue par la force ou la menace de la force – et l’accès aux moyens de communication et aux ressources, pour renforcer les préjugés raciaux, indépendamment de la fausseté de l’hypothèse préjudiciable sous-jacente. Fondamentalement, tout pouvoir est relationnel, et les différentes relations se renforcent ou se perturbent mutuellement.
Le racisme systémique et le racisme institutionnel sont des sous-ensembles du racisme. Frances Henry et Carol Tator définissent le racisme dans The Colour of Democracy 4th ed (Toronto : Nelson Education, 2010) à la p 383 comme:
Système dans lequel un groupe de personnes exerce un pouvoir sur un autre sur la base de la couleur de la peau ; un ensemble implicite ou explicite de croyances, de suppositions erronées et d’actions basées sur une idéologie de la supériorité inhérente d’un groupe racial sur un autre, et évident dans les structures et programmes organisationnels ou institutionnels ainsi que dans les schémas de pensée ou de comportement individuels.
Afin de procéder à une réelle prise en charge du racisme, il est très important que tout le monde soit très clair sur la terminologie.Dans le cas du Canada et des États-Unis, les blancs possèdent actuellement un pouvoir socialement imprégné et cela se reflète dans nos institutions. Le Centre for Race and Culture parle du racisme systémique dans la société canadienne comme suit :
Système de pouvoir et de violence qui structure les possibilités et attribue une valeur en fonction de la construction sociale de la race où le privilège est accordé à la blancheur. Un système qui désavantage injustement les Noirs, les personnes de couleur et les communautés autochtones tout en avantageant ensuite injustement les communautés et les individus embrassés par la blancheur.
Un autre terme qui prête à confusion est utilisé à tort de manière interchangeable avec le racisme systémique – le racisme systémique. Ces deux termes ne sont pas les mêmes. Josh Burnoff fournit l’explication suivante :
Le racisme systémique est un ensemble de pratiques discriminatoires sur la base de la race. Le racisme systémique est un système dont le racisme est inhérent à son fonctionnement.
Le racisme systémique est relativement facile à corriger, si on se soucie d’essayer. Le racisme systémique exige un niveau de réflexion plus profond. Je pense également qu’il exige d’inclure un ensemble de décideurs racialement diversifiés, car un ensemble diversifié de personnes peut plus facilement identifier le racisme dans les systèmes qui incluent le racisme en leur sein, que ce racisme soit intentionnel ou non.
Pourquoi est-il très important d’être clair ? Lorsqu’une personne blanche dit qu’elle a fait l’expérience du racisme, cela n’est pas possible au Canada parce que les personnes blanches possèdent actuellement un pouvoir socialement imprégné. Cependant, ils peuvent très bien avoir été victimes de discrimination raciale et peuvent obtenir un recours juridique dans certaines circonstances. Pour des informations plus approfondies sur le racisme et la discrimination raciale, veuillez consulter le site CARED.
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